Étude « The Company Car Debate and Beyond »

Cette étude part du constat que la voiture de société fait partie des avantages de toute nature (ATN) les plus couramment proposés par les entreprises à leurs salariés. Plusieurs questions concrètes en sont ressorties. Combien y a-t-il de voitures de société en Belgique ? Quel est le profil des utilisateurs ? Quel est l’impact social, environnemental et financier de ces voitures ? Et quelles sont les alternatives ? Voici une synthèse de cette étude.

26-06-2019

Le nombre exact de voitures de société circulant sur les routes belges est une question que l’on pose plus souvent qu’on n’y répond. Qu’entend-on d’ailleurs par « voiture de société » ? Les chercheurs commencent d’abord par appeler un chat un chat. Une « voiture de société » est définie comme étant un véhicule qui est mis à la disposition du travailleur et que ce dernier peut utiliser à des fins privées, pour ses déplacements domicile-travail bien sûr, mais aussi pour d’autres trajets. Concrètement, cela signifie qu’il existe deux types d’utilisateurs de ces voitures de société : les dirigeants d’entreprise et les travailleurs. Et, comme le souligne  l’étude, c’est précisément ce premier groupe qui complique le comptage. Car on ne connaît pas le nombre exact de véhicules que compte cette catégorie. On avance pourtant un nombre total de 650 000. La source : c’est le Premier ministre qui a lâché ce chiffre à la Chambre. 

Conducteurs masculins 

L’étape suivante consiste à définir des profils – profils des utilisateurs de ces voitures de société, mais aussi des entreprises qui les proposent et des véhicules en soi. Ce sont plutôt des hommes que l’on retrouve derrière le volant d’une voiture de société (75 %). Si l’on subdivise la société en niveaux de revenus, l’utilisation de ces véhicules concerne presque exclusivement les 30 % du haut de cette échelle. On peut distinguer différents types d’entreprises dont le parc automobile comprend des voitures de société. Le secteur ainsi que la présence ou l’absence de transports publics (adéquats) semblent être des critères pertinents. Un élément qui est peut-être plus important encore, c’est le contraste très net avec les organisations qui ne proposent pas de voitures de société, comme l’enseignement ou le secteur non marchand. Et puis il y a les voitures en soi. Une voiture de société parcourt en moyenne 29.000 km par an, soit près de deux fois plus que les voitures particulières. Quelque 10 % de cette distance parcourue est liée à l’activité professionnelle, la moitié est consacrée aux déplacements domicile-travail, ce qui signifie que les kilomètres restants sont destinés à un usage privé. 

Impact social 

Les chercheurs notent que le modèle d’imposition des voitures de société tel que nous le connaissons aujourd’hui a connu un engouement croissant depuis les années ‘80 ; il s’agit d’un moyen d’échapper à la charge fiscale élevée sur le travail, en particulier pour les revenus élevés. Le dispositif est intéressant tant pour le travailleur que pour l’employeur. Souvent, le travailleur bénéficie en outre d’une carte essence, dopant ainsi le secteur automobile. 

Par contre, ce dispositif a un coût social qui est de plus en plus pris en compte. L’étude tente également d’estimer ce coût. Deux paramètres permettent de mesurer l’impact sur l’environnement : la qualité de l’air et l’effet sur le changement climatique. Pour ce qui concerne le premier paramètre, il a été établi que l’on trouve davantage de diesels et de modèles plus lourds parmi les voitures de société. En 2017, la part de ces moteurs diesel était de 74 % contre à peine 27 % pour les voitures particulières. On part du principe que l’impact du diesel sur la qualité de l’air est 2 à 3 fois plus important et que – comme déjà dit – les voitures de société parcourent presque deux fois plus de kilomètres. L’impact sur le changement climatique se calcule par la prise en compte du CO2 émis lors de la production du véhicule, de son utilisation et de la production du carburant. Ces chiffres servent ensuite à procéder à une simulation. Prenons une voiture de société Golf diesel et une voiture particulière Golf essence. Résultat : 5,2 tonnes de CO2 contre 3,7 tonnes. 

Le coût social est plus large cependant. Il faut aussi tenir compte de la congestion du trafic. Les déplacements domicile-travail représentent 17 % du trafic belge. À Bruxelles, ce chiffre est de 27 %. La présence en larges proportions de véhicules de société dans ce type de trafic spécifique a également des répercussions. Une étude de Bruxelles Mobilité a calculé qu’une réduction de 10 % du nombre de voitures sur les routes pourrait réduire la congestion du trafic de 40 %. 

Et n’oublions pas le volet fiscal. L’avantage généré pour les employeurs et les travailleurs s’élève à près de 3.000 euros par an. Multipliés par les quelque 650.000 voitures de société, cela représente un montant d’un peu moins de 2 milliards d’euros, soit environ 0,5 % du PIB belge. 

Cinq alternatives 

L’étude s’est aussi penchée sur les alternatives. Elle en a retenu cinq. La première est le système « cash for car », une option qui vient d’ailleurs d’être approuvée par le Parlement. Concrètement, il s’agit de restituer sa voiture de société en échange d’une certaine somme d’argent. La deuxième possibilité consiste à opter volontairement pour un budget de mobilité ; il s’agit d’allouer au travailleur une certaine somme d’argent qu’il peut dépenser librement pour des solutions de mobilité (transport public, vélo de société, mais aussi une voiture de société, éventuellement plus petite et/ou électrique). Ce budget de mobilité peut également être imposé de façon obligatoire, ce qui constitue la troisième option. La quatrième et avant-dernière alternative est ce que l’on appelle le tax shift : on supprime les avantages fiscaux liés aux voitures de société, tout en réduisant la charge sur le travail en parallèle. Dans ce dernier cas, l’incitant majeur qui faisait le succès des voitures de société disparaît. Enfin, la dernière alternative consiste à conserver la voiture de société en tant que telle, mais de n’autoriser que les modèles électriques. 

La complexité de l’évaluation des options réside dans le fait que chacune d’entre elles a des répercussions dans plusieurs domaines, lesquels sont aussi parfois répartis entre les différents niveaux de pouvoir. Si le financement de la sécurité sociale ou les droits d’accises relèvent du niveau fédéral, les taxes de circulation relèvent de la compétence régionale. 

Déterminer la solution 

On a également demandé aux différentes parties concernées à quelle alternative allait leur préférence. La position des pouvoirs publics était claire : c’est toujours mieux que de maintenir le système actuel. Les organisations de la société civile partagent également ce point de vue, mais elles rejettent l’idée d’un système « cash for car » au profit d’une électrification du parc automobile. Les travailleurs qui disposent actuellement d’une voiture de société penchent pour le budget de mobilité sur une base volontaire et pour la formule « cash for car », bien qu’ils préfèrent la situation actuelle. De manière générale, les employeurs ont une préférence pour les alternatives sur une base volontaire et n’aiment pas le tax shift. Les garages, de leur côté, voient des opportunités dans le tax shift et l’électrification. Enfin, la dernière catégorie, à savoir les sociétés de leasing, perd le statu quo pour des raisons compréhensibles étant donné que leur modèle économique repose totalement sur celui-ci. Si elles devaient tout de même choisir une alternative, elles opteraient pour l’électrification.

Brussels Studies Institute : La chaire analyse le phénomène des voitures de société

Cette étude a été réalisée au sein du Brussels Studies Institute (BSI), une plateforme de coordination académique spécifiquement axée sur les sciences sociales et humaines. Le BSI regroupe 29 centres de recherche associés à huit établissements d’enseignement supérieur, représentant plus de 300 chercheurs dans un large éventail de disciplines. Plus particulièrement, une chaire ayant pour mission de réaliser une analyse à 360° du phénomène des voitures de société a été créée il y a quatre ans. TRAXIO y a également apporté sa contribution financière. La présentation de cette étude (« The Company Car Debate and Beyond ») lors d’une séance académique qui s’est tenue début avril constituait par la même occasion l’aboutissement de la chaire susmentionnée.

Pieter VAN BASTELAERE

Passage au crible par TRAXIO: « Étude non concluante » 

Après analyse de l’étude, Pieter Van Bastelaere, directeur de TRAXIO Public Affairs, déclare qu’il s’agit d’« une initiative utile, même si les résultats et les conclusions sont quelque peu décevants ». « En soi, nous avons toujours été très favorables à l’objectivation du débat sur les voitures de société. C’est justement pour cette raison que TRAXIO soutient cette chaire, qui représentait un investissement substantiel. Et c’est précisément la raison pour laquelle je trouve que ce résultat n’est pas terrible. »

Il critique tout d’abord le nombre de voitures de société sur lequel se base l’étude, à savoir 650 000. « Si on regarde les derniers chiffres de StatBel et du SPF Mobilité, on arrive à 465 338 voitures de société au sens où l’entend l’étude », dit-il. « Cela représente à peine 7,9 % de la totalité du parc automobile belge de 5 853 782 véhicules. Bon, l’étude s’est basée sur une estimation grossière de 650.000 véhicules. » 

Pieter Van Bastelaere ne dit pas cependant que l’étude a été menée avec un certain parti pris. « Prenons le montant du coût social des voitures de société », dit-il. « Les chiffres les plus loufoques ont déjà été publiés par le passé concernant le montant exact que représente ce “coût social”. Il a même déjà été question de 3,75 milliards d’euros. Quand j’entends maintenant ces universitaires parler d’un montant de 1,9 milliard, ce n’est certainement pas un signe de mauvaise volonté de leur part, sans quoi ils auraient porté ce montant à 4 milliards (rires). » 

Renouvellement, durabilisation et écologisation 

« Ce débat – et cette étude – escamote un élément important », prévient Pieter Van Bastelaere. « Les voitures de société sont généralement les voitures les plus vertes à circuler sur nos routes. L’âge moyen du parc automobile belge tend progressivement vers les 10 ans ; il est de deux ans pour une voiture de société. Ces véhicules ont une durée de vie normale de quatre ans. Mathématiquement, le renouvellement, la durabilisation et l’écologisation viendront donc plus rapidement des voitures de société que des voitures particulières. » 

Moins de kilomètres 

Un argument fréquemment invoqué que cette étude considère également comme une évidence est l’affirmation selon laquelle les voitures de société incitent à parcourir un plus grand nombre de kilomètres. « Fake news », selon Pieter Van Bastelaere. « Sur la base de cet argument, on estime qu’une réduction du nombre de voitures de société sur les routes permettrait de réduire d’emblée les embouteillages. En réalité – et cela a déjà fait l’objet d’une étude antérieure –, lorsqu’aucune voiture de société n’est mise à disposition, les gens optent pour une voiture particulière. Et quid des transports publics ? On constate que même les bénéficiaires d’une voiture de société y ont recours ; l’offre déficiente de transports publics constitue généralement le seul gros problème. » 

Mirage financier 

Le débat autour des voitures de société conduit trop souvent à une sorte d’arithmétique hollandaise, dirait-on. Pourquoi exactement ? « Nous avons déjà abordé le coût social qui donne parfois lieu aux spéculations les plus folles. N’oublions tout de même pas que les transports publics représentent un budget annuel de 6,5 milliards d’euros. En supposant que l’on parvienne à ce qu’un grand nombre de personnes délaissent leur voiture de société au profit du tram ou du bus, des investissements substantiels seront nécessaires. Comment va-t-on régler la facture ? En outre, une réduction du nombre de voitures de société entraînera également une diminution des recettes publiques. Les voitures de société représentent environ 2 milliards d’euros de rentrées financières, soit 20 % de TVA, des droits d’accises sur les carburants et la cotisation de solidarité. Nous devons veiller à ce que le débat ne vire pas au mirage financier. » 

Souhait d’une plus grande cohérence

« La question des voitures de société ne doit pas être abordée de manière isolée », souligne Pieter Van Bastelaere. « Elle s’inscrit dans un débat plus large sur la mobilité qui doit permettre la combinaison d’options et non l’imposition d’un choix exclusif. Trop souvent, on oppose véritablement la voiture et les autres moyens de transport. Cela ne se justifie nullement. Tout comme notre organisation, active dans le domaine de la mobilité, condamne la chasse aux sorcières qui est faite aux voitures de société, nous désapprouvons également une réduction des investissements dans les transports publics. Sur le plan politique, nous préconisons une approche confédérale, ou la refédéralisation, même si nous savons que ni l’une ni l’autre ne se produira (rires). C’est pourquoi nous plaidons pour la clarté. Travailler avec quatre ministres de la mobilité, chacun de couleur politique différente, n’est d’aucune utilité dans ce cadre. Dans la constellation politique actuelle, il est cependant tout à fait possible d’harmoniser plus avant la politique. »

Outil de simulation CoCaTax: « Une boussole pour les décideurs politiques »

Faut-il choisir le dispositif « cash for car » ou plutôt le budget de mobilité ? Chaque alternative a ses gagnants et ses perdants. En général, la formule « cash for car » est plus avantageuse pour les pouvoirs publics. Cette option est souvent moins intéressante pour le travailleur, sauf s’il vit à proximité de son lieu de travail. L’inverse est vrai pour le budget de mobilité : le travailleur y gagne, mais l’État subit quant à lui une perte financière. Il s’agit bien entendu d’une règle générale puisque chaque cas est différent. Mesurer, c’est savoir, mais encore faut-il d’abord être capable de mesurer. Le CoCaTax, un outil de simulation conçu par les chercheurs, permet de déterminer dans les moindres détails les effets de chacun des deux scénarios. TRAXIO se montre en tout cas enthousiaste à l’égard de CoCaTax. « Cela permet d’équiper d’une boussole les décideurs politiques et les parties concernées désireux de mettre en œuvre une politique réfléchie et équilibrée en matière de voitures de société », déclare Pieter Van Bastelaere, directeur de TRAXIO Public Affairs. « Il est possible de chiffrer les effets financiers, socio-économiques et fiscaux à partir des propositions politiques en matière de mobilité des entreprises. »

www.cocatax.be

 

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