Powergrid : dans l’œil du cyclone parfait

Du temps où le vélo électrique était fait « pour les vieilles personnes », Piet Dijkmans a décidé de miser le tout pour le tout sur ce nouveau produit.  Plus d’une décennie plus tard, il se trouve à la tête de quatre magasins de vélos qui vendent exclusivement des modèles électriques.  Un entretien à propos de clients quick win, l’absence de normes dans la branche du vélo et des coûts cachés des pièces de mauvaise qualité.

09-06-2022

La fermeture de l’usine Alcatel à Geel, où il travaillait comme ingénieur, a été le signal pour Piet Dijkmans de se lancer comme indépendant.  Sa mère est indirectement à l’origine du fait qu’il vendrait des vélos électriques.  « En 2009, elle a été parmi les premières à acquérir un vélo électrique.  Et lorsque je l’ai essayé, j’ai été conquis » raconte-t-il.  « J’ai tout de suite su que ‘c’était ça’.  A l’époque, le vélo ce n’était pas trop mon truc mais j’étais convaincu qu’il connaîtrait un boom.  L’avenir m’a donné raison.”

Au cours de ces années pionnières, le vélo électrique ne connaissait pas le succès d’aujourd’hui, affirme Piet Dijkmans.  « C’étaient les vélos des gens qui ne tenaient pas le rythme.  C’est ainsi qu’on en parlait à l’époque.  Au début, nous avons eu maille à partir avec de tels préjugés.  A la réception d’inauguration de notre premier magasin à Geel, les gens disaient la même chose : mais qui peut donc bien vouloir d’un vélo électrique ?  Enfin, ils ne me le disaient pas en face bien sûr (rires).  Heureusement que le lancement du vélo électrique n’a pas tardé car j’ai dû acheter ce premier magasin, il n’était pas possible de le louer.  C’était d’emblée du sérieux. »

Après Geel, Piet Dijkmans a ouvert trois nouveaux commerces, à Mol, Bocholt et Herselt.  Et les choses ne devraient pas en rester là, bien qu’il ne souhaite pas encore dévoiler où il compte encore s’établir, pour ne pas mettre la puce à l’oreille de la concurrence.  « Le grand avantage d’un magasin physique est le contact direct avec le client », affirme-t-il.  « Je peux déceler assez rapidement et avec une assez bonne certitude à la réaction du client si quelque chose va « marcher » ou pas.  Cela m’a déjà épargné de nombreux consultants (rires). »

Effet boomerang

Contrairement à ce qu’on pense généralement, le vélo électrique n’est pas vendeur en soi, commente Piet Dijkmans. « Souvent les clients entrent et affirment : je veux ce vélo-là et aucun autre.  Car ils ont fait leur recherche sur Internet et savent déjà tout.  On pourrait penser que ce type de client est un quick win et qu’il ne reste plus qu’à charger le vélo et payer.  Mais ce type d’achat déclenche l’effet boomerang.  Parce que le vélo que le client a choisi sur Internet et celui qui est vraiment fait pour lui sont souvent deux choses différentes.  Et lorsqu’un client a dépensé plusieurs milliers d’euros, je tiens à ce qu’il soit satisfait de son achat, même six mois plus tard. »

Il est frappant que dès le premier jour, la gamme Powergrid n’a inclus que des vélos dont le centre de gravité est bas.  « Donc sur lesquels tant la batterie que le moteur se trouvent au centre et dans le bas », explique Piet Dijkmans.  « Un choix voulu.  Je suis absolument convaincu qu’il existe un rapport de cause à effet entre le centre de gravité du vélo et le nombre d’accidents dans lequel il est impliqué.  Qu’est-ce qu’on n’a pas mis au point parce que cela se vendait bien : traction avant avec capteurs de mouvement et une batterie lourde sur le porte-bagage… tout était et est possible.  Ce genre de vélos a même été élu meilleur achat.  Le revirement de situation ne s’opère que maintenant, alors que nous nous égosillions dans le désert depuis des années. »

Tests de vibration et de l’eau

Malgré cela, il n’y a pas assez de normes à faire respecter par les fabricants de vélos, estime Piet Dijkmans.  « Rouler à vélo, c’est se déplacer sur deux roues, parfois par une météo extrême, les vélos se renversent plus vite qu’une voiture et ils empruntent des routes dont la qualité est souvent inférieure à celle des autoroutes.  Ces engins sont dépourvus de ceinture de sécurité et de cage de sécurité, la seule protection du corps repose sur le casque.  On pourrait par conséquent s’attendre à ce qu’ils répondent à certains critères de qualité, mais c’est loin d’être le cas dans toutes les marques.  Un problème additionnel est qu’il n’existe pas de bonne certification des vélos électriques, les amateurs ont le champ libre.  Tests de vibration, tests de l’eau, MTBF (NDT mean time between failure) … hormis quelques cadres et fourches avant, je n’ai pas encore vu grand-chose. »

Non seulement la certification est insuffisante, mais la qualité de certaines marques de vélo ne convainc pas Piet Dijkmans.  « Les gens disent souvent : oui mais les vélos ne font que s’améliorer.  Eh bien, je pense tout le contraire.  De très nombreux fabricants flirtent constamment avec la frontière très ténue entre les composants bon marché et les composants de mauvaise qualité.  La finition laisse également souvent à désirer.  J’ai déjà exclu des marques parce que j’estimais que j’étais en train de vendre des prototypes.  Les coûts et le temps que cela risque de vous faire perdre une fois une fois un vélo comme cela livré au client, peuvent être énorme. »

Piet Dijkmans résume : « Le client téléphone, je dois enregistrer le problème, le client me rapporte le vélo et je dois parfois éventuellement lui fournir un vélo de remplacement, il faut poser un diagnostic après quoi je dois demander la garantie au fournisseur, les pièces détachées sont changées et envoyées, je dois les monter, faire une note de crédit et assurer tout le suivi… Le remplacement d’une pièce ne représente généralement que 10 % du coût total.  Et en plus ce n’est pas une façon agréable du tout de faire du business. »

Poussée soudaine

Il y a quelques années, Powergrid était sur le point de développer son vélo, affirme Piet Dijkmans.  Ce projet n’a cependant jamais vu le jour par manque de temps.  « A l’époque c’était déjà un vélo à pignon (NDR vitesse sur le pédalier), doté d’une courroie et d’un moteur sur la roue arrière.  Ce qui est très branché et moderne de nos jours (rires).  Il ne restait plus qu’à monter le monteur et la batterie, mais les magasins se sont mis à tellement bien marcher à l’époque que nous n’avons été pris de court pour développer notre vélo dans les règles de l’art.  Ce vélo aurait en outre dû être certifié, une procédure ardue.  Nous avons alors décidé de nous concentrer entièrement sur la vente et le service. »

Depuis plus d’une décennie que Powergrid existe, Piet Dijkmans a vu débarquer et disparaître de nombreuses marques de vélos.  « Les grandes marques deviennent de plus en plus grandes et les petites finissent par ne plus pouvoir suivre.  Heureusement pour elles, le marché actuel est encore en forte croissance, mais pour combien de temps ?  Personne ne détient la réponse bien entendu.  Le grand atout du vélo est que nous sommes à la croisée des chemins en matière de tendances et qu’il jouit d’un grand intérêt : économies, écologie et santé.  Sur ce plan, le vélo est en quelque sorte dans l’œil d’un cyclone parfait.  Mais quoiqu’il en soit, un jour viendra où l’offre sera plus forte que la demande, même dans un marché croissant. »

Leasing

En guise de conclusion : à l’heure actuelle, Powergrid ne fournit pas seulement des vélos aux clients individuels mais aussi à environ six sociétés de leasing.  Elles constituent pour l’instant quelque 35 à 40 % du chiffre d’affaires.  « Nous nous réjouissons de chaque achat mais administrativement il ne faut pas sous-estimer la tâche », nuance Piet Dijkmans.  « Ces volumes doivent atteindre un certain niveau pour justifier tout le temps qu’on y consacre, y compris par exemple les formations.  En ce qui concerne ces procédures, les sociétés de leasing auraient des choses à apprendre les unes des autres je trouve.  Chez certaines les procédures sont fastidieuses, chez d’autres tout à fait faisables.  Mais je crains que ce soit typique de la branche du vélo : personne ne s’occupe de personne, tout le monde vit sur son îlot et tâche de tirer le mieux possible son épingle du jeu.  Je crains que telle est la nature de la bête (rires). »

En bref

Année de création : 2009

Nombre de magasins : 4

Effectif du personnel : +/- 10

Unités vendues : +/- 1.000 par an

Chiffre d’affaires annuel : 3,5 millions d’euros/an

Photo Benjamin Brolet

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